mercredi 31 octobre 2012

Les méthodes de justice et médicales des Francs.

Paulo Cattani Diaceto Un chroniqueur arabe qui observe les méthodes de justice et médicales des Francs écrit : "On avait installé une grande barrique remplie d’eau. Le jeune homme qui était l’objet des suspicions fut garrotté, suspendu par ses omoplates à une corde et précipité dans la barrique. S’il était innocent, disaient-ils, il s’enfoncerait dans l’eau, et on l’en retirerait au moyen de cette corde. S’il était coupable, il lui serait impossible de plonger dans l’eau. Le malheureux, quand on le jeta dans la barrique, fit des efforts pour aller jusqu’au fond, mais il n’y réussit pas, et dut se soumettre aux rigueurs de leur loi, que Dieu les maudisse ! On lui passa alors sur les yeux un poinçon d’argent rougi au feu et on l’aveugla (…). Un jour, le gouverneur franc de Mouneitra, dans le mont Liban, écrivit à mon oncle Soultan, émir de Chayzar, pour le prier de lui envoyer un médecin pour soigner quelques cas urgents. Mon oncle choisit un médecin de chez nous nommé Thabet. Celui-ci ne s’absenta que quelques jours, puis il revint vers nous. Nous étions tous très curieux de savoir comment il avait pu obtenir aussi vite la guérison des malades, et nous le pressâmes de questions. Thabet répondit : « On a fait venir devant moi un chevalier qui avait un abcès à la jambe et une femme atteinte de consomption [Tuberculose pulmonaire ou amaigrissement]. Je mis un emplâtre au chevalier ; la tumeur s’ouvrit et s’améliora. A la femme, je prescrivis une diète pour lui rafraîchir le tempérament ». Mais un médecin franc arriva alors et dit : « Cet homme ne sait pas les soigner ! ». Et s’adressant au chevalier, il lui demanda : « Que préfères-tu, vivre avec une seule jambe ou mourir avec les deux ? ». Le patient ayant répondu qu’il aimait mieux vivre avec une seule jambe, le médecin ordonna : « Amenez-moi un chevalier solide avec une hache bien aiguisée. » Je vis bientôt arriver le chevalier et la hache. Le médecin franc plaça la jambe sur un billot de bois en disant au nouveau venu : « Donne un bon coup de hache pour la couper net ! ». Sous mes yeux, l’homme assena à la jambe un premier coup, puis comme elle était toujours attachée, il la frappa une seconde fois. La moelle de la jambe gicla et le blessé mourut à l’instant même. Quant à la femme, le médecin franc l’examina et dit : « Elle a dans la tête un démon qui est amoureux d’elle. Coupez-lui les cheveux ! ». On les lui coupa. La femme recommença alors à manger leur nourriture avec de l’ail et de la moutarde, ce qui aggrava la consomption. « C’est donc que le diable est entré dans la tête » affirma leur médecin. Et, saisissant un rasoir, il lui fit une incision en forme de croix, fit apparaître l’os de la tête et le frotta avec du sel. La femme mourut sur le champ. Je demandai alors : « Vous n’avez plus besoin de moi ? » Ils me dirent que non, et je m’en revins après avoir appris sur la médecine des Franj bien des choses que j’ignorais." Extrait de: Usama Ibn Munqidh (1095-1188), Kitab al-Itibar [Le livre de l’enseignement par l’exemple], 97-98, texte cité par Amin Maalouf, Les croisades vues par les Arabes, Livre de poche, 1988, p. 156-157.

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