lundi 3 juin 2013

(suite) La fin des Templiers par Rudy Cambier.

Scène 4 *** On doit sentir que chaque mot de cette scène est un mensonge. Marie-Gertrude C'est ici ? Arsène Oui Madame d'Athensis, c'est ici. Marie-Gertrude C’est donc ici qu’il vient se méconduire ? Avec cette gourgandine ! Arsène Oui, Madame. Marie-Gertrude Et il s’encanaille comme ça, en public ? Quasiment au milieu de la place. Et à l'ombre d'un saint lieu ! Sous le nez de la populace et de nos manants ! Arsène Et sans retenue, Madame. Marie-Gertrude Oh mon dieu ! Cette Marie-couche-toi-là n’a donc pas de honte ? Arsène Qu’attendre d’autre, Madame ? La fille est de petite condition et les plus pernicieux de ces gens-là ont coutume d’utiliser le scandale pour arriver à leurs fins. Marie-Gertrude C’est vrai que les filles des basses classes renieraient Dieu pour épouser un homme né. On dit que le père de cette pas grand-chose serait une espèce d’hurluberlu ? Arsène Le terme décrit bien ce cul terreux, un imbécile qui a des prétentions de sagesse. Marie-Gertrude Et la mère, serait de mœurs un peu légères. Arsène Madame, votre charité vous honore. En vérité, la mère mène une vie de fille plus que publique. Marie-Gertrude À ce point-là ? Arsène Et bien au-delà, Madame ! Soyez sûre que le souci de votre pudeur retient par-devers mes lèvres presque tout ce que je sais. Marie-Gertrude À ce point-là ! Ne serait-ce pas du cancan ? Arsène la regarde bien en face Vous commencez à me connaître, Madame, … Marie-Gertrude toute sucrée Et je vous apprécie beaucoup, cher Arsène. Arsène tout aussi sucré Est-ce vrai ? Marie-Gertrude toujours sucrée Assurément. Arsène Vous m'en voyez ému, oui, fort ému. Merci, Madame. Où en étais-je ? Ah oui ! Vraiment, Madame, j'ai le cœur brisé de voir ainsi déchoir mon meilleur ami, que dis-je ? mon autre moi-même. Marie-Gertrude Déchéance. Vous avez dit le mot juste. Arsène Un garçon si intelligent, tellement doué, un esprit fin. Délicat et pénétrant à la fois. Un être comme on en rencontre peu et qui a tout l'avenir devant lui. Marie-Gertrude Il est d’ailleurs convenu qu'il embrassera la carrière ecclésiastique. Julien fera un si beau prêtre … Mais vous ne trouvez pas sa religion un peu tiède ces derniers temps ? Arsène Madame, la marée flue et reflue mais la mer est toujours là. Marie-Gertrude Il n'empêche, sa vocation tarde à se manifester avec l'évidence que je voudrais. Arsène Les fruits d'arrière-saison sont les meilleurs. Marie-Gertrude sucrée Aaaah ? Pourquoi dites-vous cela ? Arsène avec une conviction feinte donc exagérée Parce que c'est vrai. Parce que c'est parfois vrai, Madame. Regards entendus. Marie-Gertrude Vous croyez … Arsène Pour le cas auquel je songe, Madame, j'en suis tout à fait persuadé. Fort changement de ton. Mais vous parliez d'une aventure. Ce n'est pas une passade, cette … gourgandine l'a réduit en servitude. Marie-Gertrude Les choses en sont à ce point ! Arsène Oui Madame. Marie-Gertrude Ohmondieu … Comment a-t-il pu choir si bas. Se laisser engluer par la fille d'une fille de joie ! Arsène Telle mère, telle fille bien sûr, et si la mère a du métier, la fille a du talent. Marie-Gertrude L'aveuglement, certes. Changement de ton : très dur. En fait, dans toute cette scène n° 4, une grande partie de l’intrigue, de l’effet et du sens repose sur les changements de ton. Il faut de très bons acteurs ! Je ne vais donc pas continuer à noter les changements de ton : c’est un travail d’acteurs. À quoi il faut ajouter l'influence néfaste de son père. Arsène De Monsieur d'Athensis ? Je ne peux pas y croire … Marie-Gertrude De mon mari ! Oui, Arsène. Arsène De Monsieur d'Athensis ! J'en tombe des nues. Marie-Gertrude Vous ne pouvez pas savoir ! Je vous le dis à vous, Arsène, à vous seul : vous ne pourrez jamais imaginer ce que j'ai dû souffrir tout au long de ma vie à Ât. Et que j'endure encore tous les jours. Arsène Madame ! Qu'on vous fasse souffrir, vous, c'est impossible. Je ne peux pas le croire, je ne veux pas le croire. Marie-Gertrude Arsène, vous ne pouvez pas imaginer vous dis-je ! Vous en resteriez maté. Arsène Maté ? Marie-Gertrude Oui, maté ! Arsène Maté ! Ciel ! Marie-Gertrude Mais en voilà assez de mes épreuves : nous étions là pour Julien. Arsène Certes, certes. Donc le voilà piégé de la plus méchante façon qui soit. Pris par les sens. Marie-Gertrude Par les sens ! Arsène Les sens, le point faible de toute notre société, oui Madame. Marie-Gertrude Ohmondieu ! Dites-moi, Arsène, est-ce que par bonheur ils en seraient encore aux parades d'approche ? Ou croyez-vous qu'ils ont déjà… consommé ? Arsène Je ne sais pas trop, Madame, mais ils n'attendront certainement pas la bénédiction nuptiale pour se mettre à consommer. Et immodérément, vous pouvez en être sûre. Très progressivement on va jouer sur le « con » pour finir dans le registre franchement salace, mais avec de belles manières. Les deux s’amusent très franchement : ils savent bien de quoi ils parlent ! Marie-Gertrude Vous croyez ? Ils vont consommer … immodérément. Ohmondieu, immodérément ! Et moi qui n'imaginais même pas que Julien puisse con vaincre... Arsène Nul besoin de con…vaincre quand l’autre vous offre de com…ploter Marie-Gertrude surprise et se mettant à jouer le jeu. Le vice doit être évident comme le plaisir et la connivence des deux acteurs : ils savent où ils vont. Souvent on voit com…plaire sans qu'il soit com…pris ! Arsène Mais pourrait-on, Madame, con…sentir. Marie-Gertrude Con …sentir ? Arsène Ne me dites pas que vous refusez absolument, Madame, qu'on vienne con…quérir ? Marie-Gertrude Tout dépend du con…quérant et de la vaillance de sa con…quête Arsène Je voudrais tant voir me con…céder Marie-Gertrude Je ne veux pas com…promettre, même si j'avais le goût de laisser com…mettre. Arsène Ne pourrait-on songer à laisser, une fois, com…paraître ? Marie-Gertrude MmMm… Toutes réflexions faites, et avec l'assurance de la discrétion – absolue !!! – on pourrait laisser com…paraître. Chercheriez-vous un com…plaisant ? Arsène Ah ! Madame, je rêve de voir le con…nu pour com…ploter ? Marie-Gertrude En un lieu propice, la main pourra com…poser, con…tenir, et aussi con…tenter encore un peu plus … Arsène Pourra-t-on venir à une con…jonction qui laisserait un con…sidéré Marie-Gertrude Peut-être qu'on souhaite vous voir con…venir … Arsène Madame, j'ai un con…tact que vous apprécierez Marie-Gertrude Mais d'ordinaire on con…teste puis on délaisse le con…vaincu. Arsène Ah ! Madame, dans le cas que vous savez, je voudrais ne jamais con…descendre Marie-Gertrude Auriez-vous vraiment un peu com…passion de moi ? Arsène Je vous com…prendrai fort bien, Madame. Elle sourit et on doit voir le vice sur sa figure Marie-Gertrude Mmmhhhmmmhhh … Changement de ton … Et ce petit niais de Julien qui n'a pas encore compris ! La ferme de Labrique ! Jamais je ne laisserai mon fils aller là convoler. Arsène J'admire votre résolution, Madame, et vous méritez qu’on vous admire. Car vous suscitez l'admiration de tous et, j'ose vous le dire, l'adoration de quelqu’un. Marie-Gertrude Que dites-vous là ? L'admiration ! L'adoration ! Voilà que tout à coup je me demande si vous ne m'auriez pas tenu des propos un peu coquins, ou presque. Arsène Causer n'est pas pécher. Marie-Gertrude Ah ! Arsène. Si vous saviez comme j'ai parfois envie de parler. Arsène Vous avez droit aux mots tendres, Madame. Marie-Gertrude Parlons d'autre chose. Arsène Oui, revenons à notre cher souci. En prétextant l'argent, on pourrait vous contraindre à consentir à la mésalliance. Marie-Gertrude Con… oh ! Oh mondieu ! Consentir à l'union de Julien ! Aaaaah ! J'en défaus … Arsène se précipite, lui saisit l'épaule et la taille. À partir de maintenant, ils jouent au contact. Arsène Madame ! Oh Madame ! Marie-Gertrude Ou j'en défaille, comment dit-on ? Arsène Madame ! Oh Madame ! Marie-Gertrude Arsène ! Oh, Arsène ! Arsène Madame ! Oh Madame ! Marie-Gertrude Arsène ! Oh, Arsène ! Arsène Madame ! Oh Madame ! Marie-Gertrude Arsène ! Oh, Arsène ! Arsène Madame ! Oh Madame ! Marie-Gertrude Arsène ! Appelle-moi Marie-Ger. Arsène Madame ! Oh Marie-Ger ! Quelle émotion vous me faites ! J'en tremble … Sentez-vous ? Marie-Gertrude Arsène ! Oh Arsène ! Je sens bien et j'en tremble moi-z-aussi. Arsène changeant de ton J'en défaille. Marie-Gertrude Ah, toi-z-aussi. Arsène Non. On dit j'en défaille, comme assaille, pas j'en défaus comme veau. Marie-Gertrude désappointée Ah ?! Marie-Gertrude, rupture de ton Dis-moi … Où en sont-ils dans leur caprice, ces deux-là ? Arsène Aux préparatifs. Mais à des préparatifs très poussés, et que nous pouvons franchement qualifier de compromettants tant la fille est intrépide. Marie-Gertrude Oh, mon dieu. Le péché ! Le péché de chair ! Voilà qui est insupportablement sensuel, même à entendre dire des autres. Arsène Mais si bon à faire soi-même. Je suis déjà à tes genoux, Marie-Ger, tes baisant les pieds. Marie-Gertrude Baiser les pieds ? Remonte donc, grand fripon ! Je me suis laissé dire que tu avais des audaces avec les femmes. Arsène C'est une calomnie sans fondement. Je suis au contraire un grand timide. Marie-Gertrude Un grand timide ! Comme c'est charmant ! Arsène Oh, Marie-Ger ! Si j'osais … Me permettrais-tu de te rendre visite ? De temps en temps … Marie-Gertrude Je t’en prie. Viens. Viens sans tarder. Je suis si seule … Nous causerons. Elle éclate de rire et : Je sais que tu es un aigle et tu verras, pour toi, je serai un con dor. Ils rient tous les deux. Brusque revirement de l'expression de Marie-Gertrude qui dit durement : Et en ce qui concerne Julien, je saurai forcer son père à prendre des mesures. Et ils partent en se faisant des mignardises.

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